Du journalisme embedded en trois actes

J’ai participé il y a quelques jours à un voyage de presse pour visiter une organisation intergouvernementale qui siège à Bruxelles. La présence parmi une délégation de trente journalistes marocains d’horizons divers m’a permit d’observer de plus près mes confrères et consœurs. Récit en trois actes.  

ImageActe I : Des journalistes, le dîner et l’ambassadeur

Arrivés le dimanche soir, on a enchainé le lundi avec une longue journée consacrée à la présentation de cette organisation. On est revenu mardi après-midi au Maroc. Ce programme dense n’a pas été du goût d’une petite partie des journalistes. Ces collègues ont exprimé leur mécontentement également suite à « l’absence de l’ambassadeur marocain pour accueillir les journalistes à leur arrivée ». Pour lui faire savoir leur colère, ils ont annoncé qu’ils allaient « boycotter le dîner qu’il nous offre la veille de notre départ », menacent-ils. Sauf que le soir de la réception, ils étaient les premiers à monter dans l’autocar pour rejoindre « Son excellence l’Ambassadeur ». J’évoque ces détails futiles pour rappeler que la figure du journaliste grincheux et pointilleux sur des aspects secondaires desserve cette profession au Maroc. Sous prétexte d’une bonne cause, défendre la dignité des journalistes, certains ont font un filon…

La presse s’est fait l’écho de ce voyage. Elle s’est concentré sur les à côtés, en donnant une image tronquée sur les conditions de ce déplacement des journalistes. Corporatisme quand tu nous tiens !

Acte II : Des idées reçues, « l’hogra » et le moine  

Le groupe de journalistes était relativement homogène. En plus de la MAP, il comprenait en majorité des représentants de quotidiens arabophone, quelques journaux francophones, deux médias électroniques et les trois chaînes de télés. En discutant avec des journalistes, ils s’avèrent que les idées reçus sur chaque catégorie sont tenaces. Des représentations sociales caricaturales persistent. Parmi elles : la fracture francophones/arabophones, la presse digitale est encore un sous-média avec des sous-journalistes, etc…Faute de recherches sérieuses sur les professionnels de l’info ces clichés ont de beaux jours devant eux.

La vraie leçon que je retiens de ce voyage est que l’habit ne fait pas le journaliste. Une consœur a été vue comme l’intrus du groupe. Elle a subi « l’hogra » de tout le groupe car elle portait toute les tares de ce métier aux yeux des journalistes. Elle est femme, elle travaille dans la presse digitale régionale ; hors de l’axe Casa-Rabat, elle n’est pas habituée au voyage à l’étranger et son code vestimentaire n’est pas appropriée à ce type de visites. Cependant, au moment fatidique des questions, elle a réussi à sortir les intervenants de leurs réserves avec des questions simples, loin des interrogations prétentieuses des journalistes qui se prennent pour des diplomates. Bravo Madame !

Acte III : Les “Off ”, les « On » et le journaliste

Une bourde d’un journaliste travaillant pour un site web nous a offert une occasion rare de débattre de déontologie, de relations avec les sources, du « On » et du « Off ». Le décor : en marge d’un dîner, le diplomate marocain nous livre son sentiment sur la relation Maroc-UE. En somme, un exercice classique de communication en « Off ». Sauf que notre journaliste à la recherche de la primeur n’a pas hésité à prendre des notes, signifiant qu’il souhaiterait reprendre cette discussion à bâtons rompus, dans ce média. Ce comportement suscite l’ire des journalistes. De là est partie une discussion enrichissante sur nos pratiques journalistiques. C’était parmi les choses que je retiens le plus de ces 48 heures de journalisme Embedded ; embarqué.    

S.L.

P.S : Pour l’illustrer cet article, j’emprunte l’affiche du documentaire « Profession journaliste » de Julien Despre, sortie en France en 2012. Merci réal!

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