Du Fake news par L’Economiste

L’édito de L’Economiste du 11 avril 2017 contenait une intox distillée contre le gouvernement Benkirane. Dans ce texte signé par Mohamed Benabid, rédacteur en chef de ce quotidien, on pouvait lire la phrase suivante :

« De nombreux projets de textes sont bouclés à huis clos, dans des commissions (où les journalistes ont été avec le gouvernement sortant personae non gratae) sans que l’opinion publique ne soit informée des soubassements des derniers arbitrages ».

LEconomiste FakeNews

Capture d’écran de l’édito du 11 avril 2017.

L’Economiste reproche au gouvernement sortant d’avoir interdit aux médias d’assister aux travaux des commissions permanentes du Parlement. Or, c’est FAUX ! Explications en deux points :

  1. L’interdiction faite aux journalistes d’assister aux travaux des commissions est le résultat d’un article de notre « valeureuse » constitution. Article 68  (souligné par l’auteur):

 « […] Les réunions des Commissions du Parlement sont secrètes. Les règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement fixent les cas et les règles permettant la tenue par ces Commissions de séances publiques »

Donc, le gouvernement n’est pas à l’origine de cette décision.

  1. Le parlement fait partie du pouvoir Législatif et non Exécutif. Certes, le fonctionnement de cette instance est du ressort de la majorité, mais les deux pouvoirs sont, théoriquement, séparés. Pour appliquer le honteux article 68, la présidence des deux chambres s’est contenté de lister les instances et personnes autorisées à assister aux réunions des commissions (article 67 du règlement intérieur). Bien sûr, la presse ne fait partie de cette liste. L’ancien parlement dirigé par le RNI (Représentants) et le PAM (Conseillers) ne fait qu’appliquer le texte constitutionnel, de manière conservatrice.

En somme, accuser uniquement le gouvernement d’être à l’origine de cette situation est totalement erroné. Au lieu d’incriminer Benkirane et le PJD d’être à l’origine de tous les maux du Maroc, L’Economiste et ses éditorialistes devraient appeler à réviser l’article 68 de la constitution. Voici une bataille qui mérite d’être menée.

Salaheddine Lemaizi

@LemaizO

Notre presse et Addis-Abeba

Notre presse et Addis-Abeba

Le retour du Maroc à l’Union africaine est un acte diplomatique majeur pour le royaume. Comment la presse a accompagné cet évènement ?

Sans surprise la presse écrite marocaine, web comme print, n’a pas su accompagner comme il se doit l’évènement diplomatique marocain de la décennie. Heureusement, de rares exceptions tentent d’échapper à la médiocrité ambiante.

Qui a couvert quoi ?

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 En plus des médias audiovisuels publics (Al Oula et 2M) et Médi1 TV, Akhbar Al Yaoum, Les Inspirations Eco, Telquel et la Tribune Afrique étaient présents à Addis-Abeba pour couvrir le sommet. Le360 était le seul média digital à avoir fait le déplacement avec une équipe de deux confrères (un journaliste et un caméraman) ! Mise à part ces médias, les autres supports de presse n’ont pas saisi l’importance de ce moment politique et médiatique.

Les grands groupes de la presse privée (Maroc Soir, Eco-Média, Groupe Caractère, New Pub, etc…) se sont contentés de reprendre les dépêches de la MAP. La presse partisane a fait de même. Ainsi la revue rapide des numéros du 1er février dernier confirme ce premier constat :

  • La presse partisane: Al Alam, Al Bayane, Bayane Al Yaoum, Al Itihad: Sujet en UNE avec manchettes. Entre 2 à 6 pages, dont la reproduction complète du discours du roi (mais pourquoi vous faites ça). A l’exception de Libé, Les interviews sont absentes,
  • La presse populaire: Al Akhbar, Al Massae et Assabah: Les deux premiers quotidiens bouclent très tôt leur édition. Ils se sont contentés du service minimum avec une demie-page chacun. Le troisième est préoccupé par les jeux de hasard.
  • Akhbar Al Yaoum : Seul quotidien arabophone présent au sommet. Une page avec un récit fouillé sur les coulisses de la journée.
  • L’Economiste, ALM et Le Matin : RAS.
  • Les Eco : Seul quotidien francophone présent à Addis Abbéba. Il consacre 3 pages, dont une page pour un reportage-photos.
  • Le cas Al Ahdath Al Maghribia : mérite d’y consacrer quelques mots.

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  • La presse marocaine a été souvent habituée au journalisme-tout-frais-payés par les institutionnels (publics ou privés) pour tout déplacement à l’étranger.
  • La presse marocaine est devenue addict au journalisme embedded dans le cadre de voyages de presse. Ce type de déplacement où la com’ prend le dessus sur le journalisme. Ces déplacements sont légions pour visiter les instances de l’UE, l’OTAN, etc…
  • La presse marocaine manque d’autonomie. Le déplacement d’Addis Abebba était risqué. Le Maroc n’était pas assurer d’avoir gain de cause. Cette incertitude explique-t-elle le manque d’engouement des rédactions pour ce déplacement ? Les médias proches du makhzen attendaient-t-ils un signal pour faire le déplacement en force ? Ce qui est sûr, ce que la grande majorité des médias manque d’autonomie dans leur prise de décision interne. A l’image des partis politiques…
  • Historiquement, la presse tenue à l’écart par le palais. La presse marocaine était exclue des déplacements du roi Hassan II. Dans un contexte où la com’ royale de Mohammed VI est verrouillée et l’accès y est fermé à double tour face à la presse marocaine, les déplacements du roi à l’étranger sont le monopole des médias officiels. Le sommet de l’UA aurait pu être une occasion pour mettre fin à cette pratique, du côté de la presse. Or, les médias marocains ont préféré s’auto-exclure.

Chapeau à ceux qui ont fait le déplacement à Addis-Abeba. Pour les autres, ils étaient le reflet d’une presse marocaine, print comme digital, embourbée dans ses routines.

S.Lemaizi

@LemaizO

A lire aussi sur le blog : Le pluralisme de la presse marocaine

 

 

 

 

 

Les quotidiens Pro et Anti-PJD face aux résultats du 7 octobre

Comment la presse quotidienne marocaine a couvert les résultats des élections ? Réponse dans cette revue de presse commentée des éditions du 10 octobre 2016.

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Le contenu de la presse écrite marocaine du lundi 10 octobre interpelle à deux niveaux.

  1. Le premier est que le traitement choisi pour analyser et commenter les résultats du 7 octobre révèlent une grande ligne de démarcation au sein de la presse privée marocaine: les pro et les anti-PJD.
  2. Le deuxième niveau d’analyse est relatif à la qualité de ce contenu réalisé durant ce grand week-end. Il ressort – et de manière évidente- que la presse écrite n’a pas pu accompagner cet événement avec un traitement journalistique innovant et de qualité. Dans certains cas, la quantité de pages produites a pris le dessus sur la qualité de l’information et sa conception.

Ci-dessous une rapide revue de presse des principaux quotidiens nationaux:

Parmi la presse quotidienne arabophone:

Assabah: Cette publication du groupe Eco-Média a fait campagne contre le PJD. Pour commenter la victoire du parti islamiste, Assabah a choisi une UNE avec la photo El Othamni, n°2 du parti et ce au lieu de Benkirane, grand gagnant de la journée du 7 octobre. Le quotidien est le seul à avoir choisi la formule du supplément pour son dossier « élection ». Un document détachable de 16 pages accompagne le quotidien du 10 octobre, avec une large partie consacrée aux listes des nouveaux députés. Une seule et courte interview a été réalisée!

Akhbar al yaoum: Quotidien pro-PJD, cette publication tente de garder une ligne éditoriale critique vis-à-vis du Makhzen. À l’occasion des résultats, ce journal a choisi de célébrer la victoire du parti islamiste tout au long des 17 pages de couverture. Le quotidien est le seul à avoir choisi de critiquer le ministère de l’Intérieur. En plus de quatre courtes interviews, le quotidien a laissé une large place à des chroniqueurs proche du PJD (Talidi et Tarek) pour commenter les résultats.

Al Itihad al ichtiraki: C’est le service minimum chez la presse “USFP”. Seule une page est consacrée aux résultats des élections!

Akhir sa3a: Pour digérer la deuxième place du PAM, le quotidien d’Ilyass Al Omari préfère se projeter dans l’avenir et oublier les résultats du 7 octobre. Une grande place est réservée aux jeux d’alliances. Sur les 4 pages de couverture de ce sujet, deux interviews sont proposées.

Al Ahdath al maghribia: Le quotidien anti-PJD a consacré une édition week-end spéciale « résultats des élections ». Pour le numéro du lundi, le quotidien a préféré se concentrer sur les futurs alliances pour composer gouvernement. Cinq pages sont réservées à cet aspect et onze d’autres pour décliner la liste des gagnants. Aucune interview une nouvelle fois !

Al Adala wa tanmia: (hebdo avec une parution irrégulière): Les 16 pages de cet hebdo, édité uniquement par le PJD lors des campagnes électorales, sont consacrées à la victoire du parti. Pour le lecteur friand d’analyses, de chiffres, de graphiques, il faut voir ailleurs. L’heure est à l’auto-satisfaction…méritée.

Presse quotidienne francophone:

L’Opinion: Service minimum. Deux pages, dont des dépêches de la MAP et des extraits du communiqué du parti de l’Istiqlal.

Al Bayane: Également c’est le service minimum. Une page et puis on tourne le feuilleton électoral.

Libération: Service minimum: 2 pages. Aucune infographie. Aucune interview.

Les Eco: Ce quotidien affiche une sympathie pour les thèses du PJD, de facto, il n’a pas manqué de célébrer la victoire de ce parti. La UNE du journal est consacré entièrement à « consécration ». Sur le fond, 6 pages riches infographie et en photos sont consacrés à ce sujet. Aucune interview!

Et la cerise sur le gâteau de cette revue de presse :

L’Economiste: A l’image des autres supports “média” du groupe Eco-média, le 1er quotidien économique du pays a choisi de faire campagne contre le PJD. Et la victoire du parti de la lampe semble être difficile à digérer par la direction du journal qui a choisi de titrer et de manière curieuse sur la montée en puissance du…PAM. Choix éditorial certes, mais qui fait l’impasse sur l’événement du week-end qui est le maintien du PJD aux commandes. Sur le plan du contenu, L’Economiste offre un 17 pages riches en analyses mais pauvres en infrographies, notamment la liste des vainqueurs publiés sur deux pages sans aucun effort d’éditing.

En conclusion:

  • Les interviews étaient une denrée rare

  • Absence d’innovations pour (re)écrire en chiffres les résultats

  • La photo était le parent pauvre de ces publications

  • Défaite électorale oblige et incapacité à produire un discours auto-critique, la presse de la Koutla (PI, PPS et USFP) s’est contentée du service minimum,

  • La quantité a pris le dessus sur la qualité.

Mentions spéciales :

  • Les hebods Telquel, L’Observateur et Maroc Hebdo pour avoir consacrés des éditions spéciales à ces élections.

  • Al Ahdath pour son édition spéciale du week-end.

Le lecteur d’Al Mountakhab n’est pas dupe…

Al Montakhab est un journal de référence. C’est un fait ! 30 ans d’existence, une pérennité unique dans l’univers de la presse sportive au Maroc et pour la presse dans le pays en général. Sa diffusion est à faire pâlir le reste des hebdos marocains, 15 734 exemplaires pour ce bi-hebdomaire en 2014, soit une diffusion moyenne de 31 000 exemplaires  par semaine. Malgré ce bilan tout à fait honorable, ses dirigeants n’ont pas hésité à tremper leurs plumes pour le compte d’un annonceur, la Marocaine des jeux et des sports (MJS).

Al Mountakhab MJS 2

Fournir la presse d’éléments de langage

Fin décembre, une polémique éclate autour d’une proposition du ministère de la Communication visant à interdire la publicité des jeux de hasard sur les médias digitaux, sous sa forme audiovisuelle. Le projet du Code de la presse, actuellement en discussion au parlement, duplique la même mesure prise pour le secteur de l’audiovisuel. Un débat s’enclenche entre les tenants de l’interdiction de la publicité de ses produits et ceux qui défendent le maintien de ces annonces. Cette discussion, légitime, donne lieu à un flot d’articles et de commentaires.

Chaque support traite du sujet avec sa propre approche. L’Economiste se positionne contre cette décision, tout en donnant la parole au ministre de la Communication. Le quotidien Les Eco préfère une approche plus nuancée et pose la question de l’utilité de l’interdiction. Panorapost préfère la forme éditoriale avec une lettre ouverte adressée au ministre. Un point commun à ces nombreux articles : la reprise des mêmes éléments fournis par la MJS (chiffres, argumentaire et éléments de langage). Cette entreprise a fait un travail intense de relations presse (et publique) pour passer son point de vue, le tout dans un contexte où El Khalfi est décrié par la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ).

Un lièvre de com’ pour MJS

Arrivons maintenant au cas d’Al Mountakhab. Le numéro 3007 (21 décembre 2015) du bi-hebdo revient sur ce sujet. Un article est publié sur sa très prisée dernière page. Un long pamphlet anti-Khalfi est signé par Badreddine Idrissi et Mustapha Badri, respectivement rédacteur en chef et directeur de la publication du journal. L’article est placardé en manchette du journal avec un titre sans nuance : « El Khalfi menace le plus grand bailleur de fonds du sport d’une crise cardiaque » ! (voir photo). Le texte est de la même veine. Extraits :

Verbiage

« Est-ce qu’El Khalfi a bien anticipé les conséquences sportives, économiques et sociales de cette interdiction ? »

Le lien de cause à effet n’est pas évident entre tout ça.

Surenchère

« Le paysage médiatique vit une ébullition sans précèdent à cause de textes de loi, des interdictions et des décisions unilatérales prônés par El Khalfi ».

Celui qui voit de l’ébullition peut m’avertir. Et merci

Contre-vérité 

 « El Khalfi ne s’est pas contenté de présenter un projet de Code de la presse au parlement malgré les désaccords profonds et centraux avec les professionnels représentés par le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et la FMEJ qui se sont réunis pour barrer le chemin à ce texte…».

Le SNPM ne s’est jamais opposé au projet actuel du Code de la presse.

Alarmisme    

« Un scénario catastrophe, une chose probable dans le contexte actuel, est l’arrêt de l’activité de MJS et de La loterie nationale. La convention les liant avec l’opérateur Interloto pourrait être résiliée. Ce opérateur international quittera le Maroc avant la fin de son contrat à cause du climat hostile entourant ses activités ».

Sans commentaire.

Que dire de plus ? C’est malheureux d’arriver à ce point de misère éditoriale: Se plier en quatre pour un annonceur. Un journal de référence, dirigé par deux vieux routiers du journalisme au Maroc, devrait donner l’exemple de l’indépendance, de la rigueur et du désintéressement. C’est le meilleur gage de crédibilité pour un média qui se veut indépendant. Dans le cas contraire, cette presse sera vouée  à être le suppléant de communication de l’annonceur ou du politique. Et ne l’oublions pas : le lecteur d’Al Mountakhab n’est pas dupe…

Salaheddine Lemaizi @LemaizO

Al Mountakhab encore une fois, un billet signé en 2013:  Le journal Al Mountakhab est-il un sapeur pompier?